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Bordeaux, capitale méconnue du chocolat ?

Du précieux xocoatl, que l’on déchargeait sur le port au temps de la marine à voile, aux populaires sarments du Médoc nés en 1969, l’histoire de la région bordelaise est intimement liée à celle du plus gourmand des ingrédients : le chocolat. Une tradition de luxe et d’élégance que les artisans d’aujourd’hui perpétuent avec passion… et rendent accessible à tous !



La fève sacrée, boisson de rois

Le cacao est une plante tropicale originaire d’Amérique du Sud. Au temps des Aztèques, il servait à la préparation du xocoatl, boisson sacrée, aussi noire et amère que le réglisse, qui a donné son nom au chocolat. C’est l’empereur Charles Quint, souverain d’Espagne présidant aux conquêtes, qui demanda à des religieuses de l’accommoder en boisson avec des épices et du miel, et lança à la cour d’Espagne la mode de le consommer.

Lorsqu’Anne d’Autriche, infante d’Espagne, vient épouser le Roi de France Louis XIII, elle l’apporte dans ses valises et traverse Biarritz, Bayonne, qui en ont gardé la tradition… puis Bordeaux, où elle se marie. Et voici comment le chocolat se fait connaître à Bordeaux, et s’installe à la cour de France !

Anne d'Autriche © Tableau de Rubens, 1622-1625

Au siècle des Lumières, un rituel de privilégiés

Au XVIIIe siècle, à l’époque où le commerce maritime avec les Antilles et la Louisiane bat son plein, Bordeaux est le premier port de France. Avec les épices et le sucre de canne, le cacao est l’une des denrées précieuses qui constituent ce commerce et enrichissent la ville.

Depuis Louis XIV, la préparation du chocolat à boire, luxueux rituel royal, est imitée par l’aristocratie et la haute bourgeoisie bordelaise qui a un accès de premier choix à la matière première. Les faïenciers bordelais créent des chocolatières raffinées. À l’époque, on prête au chocolat la vertu médicinale de « chauffer le sang »… Autrement dit, c’est un aphrodisiaque que l’on retrouve à l’étal des apothicaires ! Ainsi, à Bordeaux, on trouvait le chocolat à l’ancienne pharmacie François, cours Alsace-Lorraine, que vous pouvez toujours visiter…

Pharmacie François / Photo : Steve Le Clech

Fin 19e, un produit de fabrique

La révolution industrielle permet le développement de puissants moulins, capables d’extraire le beurre de cacao et ainsi de proposer le chocolat solidifié. Avec l’ajout de sucre de betterave, meilleur marché que celui de canne, il se démocratise et devient un produit de consommation - de luxe certes, associé aux grands moments comme Noël et Pâques, mais de consommation tout de même. À Bordeaux, on a gardé une tradition économique bien profitable : ce qui arrive au port de Bordeaux est transformé à Bordeaux !

 

© Tableau de P. Lacour, 1804-1806

Chocolats de Guyenne

La chocolaterie-moutarderie Louit, fondée en 1825, devient rapidement la plus grosse entreprise du Sud-Ouest. À la fin du siècle, c’est le boom. Les chocolats de Guyenne, nés dans une droguerie pharmaceutique du quartier Saint Jean, ouvrent une fabrique passage Grenier. En 1901 la pharmacie François réplique, et crée une chocolaterie à Talence, qui sera rachetée en 1922 par la maison suisse Tobler : et les chocolats François nés cours Alsace Lorraine se convertissent en Toblerone !

chocolat à Bordeaux © Louit Frères

La naissance d’un plaisir populaire

La fève de cacao est implantée en Afrique, et sa production augmentant, le chocolat devient accessible au plus grand nombre. On y ajoute du lait, des noisettes… La chocolaterie Louit est la première, pour se différencier de la concurrence et attirer les enfants, à glisser une petite image en cadeau dans chaque tablette - un standard de l’histoire publicitaire longtemps imité, aujourd’hui oublié… Hélas, la seconde guerre désorganise les approvisionnements. Louit abandonne le chocolat pour se concentrer sur la moutarde, et la plupart des chocolateries ferment leurs portes. Mais la tradition chocolatière perdure, et la créativité est toujours au rendez-vous…

chocolat à Bordeaux © Louit Frères

Spécialité médocaine

Dernière histoire en date, la légende des Sarments du Médoc : en 1969, à Margaux, la chocolaterie du même nom produisait en atelier des bâtonnets de chocolat destinés à garnir les chocolatines quand un incident de chaîne produisit une série de bâtonnets irréguliers, trop fins et tout tordus, rappelant les sarments que l’on taille dans les vignes. La spécialité chocolatière du Médoc était née.

Quant à la Chocolaterie d’Aquitaine, une usine du groupe Cémoi, elle emploie toujours à Bègles plus d’une centaine de personnes.

chocolat à Bordeaux © Mademoiselle de Margaux / facebook

En savoir plus :

Deux documents passionnants si vous souhaitez approfondir :

  • L’histoire de la Chocolaterie Louit racontée sur France Bleu par Michel Cardoze, par ici.
  • Et l’histoire d’amour tumultueuse entre les chocolats et les pharmaciens, merveilleusement documentée ici.

Un grand merci à Christine Cougul, historienne et guide-conférencière, qui nous a renseignés et organise des visites de Bordeaux tout chocolat (avec dégustations bien-sûr) à pister sur le site de l’Office de Tourisme, ou à organiser avec elle pour un groupe privé.

chocolat à Bordeaux Photo : Simone Van Der Koelen

Redécouvrir la tradition chocolatière : carnet d’adresses

Où boire un chocolat à la mode des rois ?

Chez Miremont, rue Buffon. Ce salon de thé copié sur son prédécesseur de Biarritz sert une recette inimitable et enivrante de chocolat chaud. Avec du lait, certes, mais avec le même luxe de rituel que si vous étiez Anne d’Autriche…

Quelle est la plus ancienne chocolaterie de Bordeaux ?

Saunion, Cours Clémenceau, perpétue la tradition chocolatière à bordeaux depuis 1863. Cette chocolaterie, seule entreprise de Bordeaux à avoir reçu le« entreprise du patrimoine vivant », se classe régulièrement parmi les meilleurs de France au Salon du chocolat. L’atelier est au-dessus de la boutique.

 

 

 

chocolat à Bordeaux © Saunion

Quels sont les chocolats les plus tendance ?

Ceux de la chocolaterie Hasnaâ, fondée rue Fondaudège en 2014 par Hasnaâ Ferreira, chocolatière formée par Saunion que la France a découverte grâce à l’émission Masterchef, et chocolatière de l’année 2017 ! Sa boutique de la rue de la Vielle Tour regorge de créations époustouflantes et raffinées qu’il faut absolument avoir goûtées…

Quelles sont les maisons emblématiques de la tradition chocolatière ?

La maison Cadiot-Badie est née en 1826 en tant que confiserie et s’est spécialisée dès 1900 dans les chocolats avec les soeurs Badie. Leurs ateliers se trouvent à Pessac. Quant à la maison Darricau, née en 1915, elle est restée dans la famille et compte maintenant quatre générations de secrets chocolatiers soufflés à l’oreille… sans conteste, avec Saunion, les deux institutions de la haute tradition chocolatière bordelaise !

 

 

chocolat à Bordeaux © Hasnaâ / Facebook

Un chocolatier à découvrir en dehors du Triangle ?

À Caudéran, Luc Dorin, chocolatier au 149 rue Pasteur : si ce n’est pas pour ses chocolats, allez-y pour ses pâtes à tartiner, ou pour l’irrésistible Criollo, peut-être le meilleur gâteau au chocolat de Bordeaux…

Et pour une expérience « Charlie et la chocolaterie » ?

À Eysines, sur la route du Médoc, ne ratez pas l’étonnante Chocolaterie Segonzac, qui perpétue depuis les années 70 les joies traditionnelles du chocolat… mais dans sa version plaisir d’enfance plus que boisson royale ! Dès la devanture chamarrée qui change à chaque saison, on se sent retrouver ses huit ans, et la tête nous tourne devant les guinettes, mendiants, guimauves, truffes et nougats…

 

chocolat à Bordeaux © Chocolaterie Segonzac / Facebook
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